Tribune publiée dans Finances et gestion, avril 2017, n° 348
« Le mode de financement des entreprises exerce une influence déterminante sur l’investissement et le dynamisme de l’économie. Le cas des grandes entreprises doit être distingué de celui des PME et des TPE ».
Le coût du capital pénalise l’investissement des grands groupes
Les grands groupes français, cotés en bourses, se financent essentiellement sur le marché, par émissions de titres. Nos grandes entreprises stratégiques sont les héritières des anciens « champions nationaux », privatisées à l’occasion des trois grandes vagues de cessions d’actifs (1986, 1993, 1998), au cours desquelles la puissance publique a organisé la mise en place de noyaux durs à la française, autour de holdings familiales et de banques privatisées. Ces noyaux durs cohabitent avec des fonds de placement et de pension anglo-saxons, majoritaires mais dispersés. Tel est le visage du « monde de la finance », fixant pour objectif aux directions d’entreprises de se recentrer sur leur métier de base et de maximiser la rentabilité financière. Cette stratégie permet aux actionnaires de maximiser le rendement boursier de leurs titres, porteurs de dividendes et de plus-values potentielles. Elle a considérablement renchérit le coût du capital, tant la part des profits nets, après amortissement, versée sous forme de dividendes s’est accrue au détriment de l’accumulation de capital fixe qui reste faible, malgré la restauration des taux de marge (80% des profits nets des sociétés non-financières sont désormais versées sous forme de dividendes).
Le cas des PME et des TPE
Les PME et les TPE souffrent, pour se financer, d’un problème d’accès au crédit auprès du système bancaires afin d’assurer leurs besoins en trésorerie. Les banques sont devenues plus sélectives, tant l’activité de leurs débitrices est dépendante d’une conjoncture incertaine, ne garantissant aucunement les reflux d’intérêts attendus par les prêts bancaires. La politique accommodante de la BCE a d’autant plus de mal à « percoler » dans l’économie réelle que la demande de crédit des entreprises reste faible : les PME françaises sont, dans de nombreux cas, les sous-traitantes de nos entreprises stratégiques. Leur activité est donc tributaire de commandes en bernes, dès lors que l’investissement de leurs donneuses d’ordre est atone.
Quelle finance pour la relance ?
La politique proposée par Jean-Luc Mélenchon entend relancer l’investissement dans le secteur énergétique afin d’engager la transition énergétique autour du déploiement de la filière des énergies renouvelables. Cela suppose d’accroître le poids décisionnel de la puissance publique dans le noyau dur des entreprises stratégiques de ce secteur. Pour cela, il est possible d’accroître le poids de l’Etat dans le capital de ces entreprises. Cela peut aussi passer par une modification de la pondération des voix de l’Etat dans les entreprises où il détient une part du capital. La transformation d’actions en obligations est une autre possibilité. L’objectif est d’obtenir les décisions d’investissements nécessaires pour répondre aux 25 milliards de commandes publiques, planifiées dans ce secteur au cours du quinquennat. Ces investissements seront à l’origine de commandes importantes en direction des entreprises sous-traitantes, dont l’accès aux prêts bonifiés de la BPI, dotée d’une licence bancaire, sera organisé. La séparation bancaire, restée au milieu du gué, sera achevée. Les banques universelles, réalisant leurs profits financiers en se couvrant sur les dépôts tout en bénéficiant de la garantie de l’Etat, devront alors se restructurer. La banque de détail, ayant pour métier principal d’octroyer des prêts dans l’économie réelle aux entreprises et aux particuliers, retrouvera ses lettres de noblesses. Cela détendra les conditions du financement des TPE et des PME. Celles-ci, payant à taux plein l’impôt sur les sociétés (alors que les grands groupes pratiquent l’optimisation fiscale), bénéficieront de la baisse de 8 points de l’impôt sur les sociétés, permettant absorber la hausse du salaire minimum. Par contre, la rente subira une hausse de 3 points du taux de l’impôt sur les bénéfices non-réinvestis.
Liêm Hoang Ngoc (Responsable de l’économie dans l’équipe de campagne de la France insoumise)