Les textes européens imposent de résorber les déséquilibres macroéconomiques par des politiques d’austérité budgétaire et salariale dont les effets pervers sont patents. Des stratégies alternatives existent.
La première consiste à transformer la zone euro en union de transferts. Dans ce cadre, les investissements publics décidés à l’échelle communautaire permettraient de développer les infrastructures des zones subissant les déséquilibres et d’organiser la transition écologique. Cela suppose l’existence d’un budget de la zone euro conséquent, financé par un impôt européen et par l’émission d’euro-obligations. Cet impôt serait une fraction de l’impôt sur les sociétés, dont l’assiette serait consolidée et les taux harmonisés. Ce scénario fédéraliste, nécessitant une modification des traités, mettrait en scène un Trésor européen, contrôlé par un Parlement européen aux pouvoirs renforcés.
La deuxième consiste à redonner à chaque Etat sa souveraineté en matière de politique budgétaire, de politique monétaire et de politique de change. A son échelle, chaque Etat disposerait de la liberté de choisir le mode de financement de sa dette et de ses investissements et serait en mesure d’ajuster son taux de change pour résorber son déséquilibre extérieur. Ce scénario consacrerait la fin de la monnaie unique et la prévalence d’une Europe des nations.
Les propositions des protagonistes du débat politique se situent peu ou proue autour de ces deux scénarii idéaux-typiques. Certaines des propositions faites par MM. Varoufakis et Macron, pour l’heure écartées par l’Allemagne, façonnent le premier. Le second, parfois qualifié de plan B, est rêvé par les partisans de la sortie de l’euro.
Alors que M. Mélenchon privilégie un plan A, qu’il n’a jamais vraiment détaillé, voilà qu’un plan A’ est désormais évoqué. Il serait appliqué en cas de refus – probable – de l’Allemagne d’accepter la renégociation des traités. Le plan A’ consisterait à activer les options de retrait permises par les traités actuels en restant dans l’euro. Ces opt-out avaient permis : au Royaume-Uni de se situer hors de l’espace Schengen (pour contrôler l’immigration) ; au Royaume-uni (pour s’attaquer au droit de grève) et à la Pologne (contre les LGTB) de déroger à la charte des droits fondamentaux ; au Danemark de refuser la Politique extérieure et de sécurité commune ; au Royaume-Uni, au Danemark et à la Suède de ne pas adhérer à l’Union économique et monétaire afin de conserver leur monnaie nationale. Or cet opt-out à l’UEM ne serait pas activé, dès lors que le choix est fait de rester dans l’euro. Le plan A’ consiste alors à déroger au pacte de stabilité (pratique admise sous conditions) et à obtenir l’autorisation d’appliquer « l’Avenir en commun » tant que ce programme reste en conformité avec le droit européen, sur lequel veille la Cour de justice européenne. Les limites du plan A’ sont évidentes. Le président du groupe LFI à l’Assemblée nationale m’avoua lui-même son impuissance juridique à riposter, lorsque le Conseil constitutionnel enterra le 6 octobre 2017 l’impôt sur les dividendes, en s’appuyant sur un arrêt de la CJE jugeant cette taxe non conforme à la directive Société mère-filiales…
Par Liêm Hoang-Ngoc (Maître de conférences à l’Université de Paris I)